La fin ce cette époque est marquée par l’échéance inéluctable du déménagement. Nouvelle épreuve qu’il va falloir surmonter. Dans un climat amical le futur emplacement est défini, le
projet financier se met en place et un superbe bâtiment se dévoile sur plans. Le soutien de la mairie de Courbevoie facilite grandement l’avancement du projet.
Cinq années de vie précaire, d’hébergements dans des hangars proches de l’emplacement futur où a été installé un ponton, d’administration dans des bureaux misérables. Il en résulte
une dispersion générale des effectifs. Les évènements de mai 1968 viennent aggraver la situation : faillite des entreprises de construction, resserrement des crédits. Pourtant
certains ont toujours du coeur à l’ouvrage, malgré les conditions adverses : un huit remanié et entrainé par Torkil Aschehoug prend la deuxième place aux championnats de France,
et sur sa lancée remporte le match Encou-Basse Seine ; André Sloth et Jean Le Goff sont sélectionnés aux jeux Olympiques de Mexico.
Les années noires se poursuivent : en 1969, déménagement vers de nouveaux locaux désaffectés, les hangars précédents étant voués à la destruction. En 1970, le ponton est emporté par
un pousseur et un accident de voiture prive la Basse Seine de sa présence habituelle à la course des huit du championnat de France.
Une lueur apparait au bout du tunnel en 1971. Le mois de mai voit le démarrage de la construction du nouveau club. Les anciens tiennent allumée la flamme de la compétition mais les
jeunes ont disparu.
Enfin le grand jour arrive : le 19 septembre 1972, Charles Deprez, député-maire de Courbevoie intronise le président Raymond Drouet dans le bâtiment tout neuf dévolus à la Société
Nonagénaire.
Cérémonie émouvante après tant d’efforts, couronnés peu après par une nouvelle victoire de la Basse Seine sur l’Encou. Heures de joie et d’espoir. Il faut dire que la nouvelle maison
de la Société Nautique de la Basse Seine est superbe. N’a-t-elle pas l’allure d’un paquebot amarré aux berges de la Seine, espace de sérénité, alors que se rue sur la voie rapide un
trafic automobile incessant.
Et pour les rameurs quelle sécurité de ne plus avoir à traverser la roue au péril de leur vie et de celle de leurs bateaux. Et pour tous, quelle vue magnifique sur la Seine et ses
abords !
Et maintenant il faut faire fonctionner la machine. Tout est en place pour retrouver l’activité d’antan. A côté des rameurs confirmés, l’accueil des jeunes scolaires s’organise, les
vétérans poursuivent leur moisson de succès en France et à l’étranger ; un huit élite renait, emmené par André Sloth, l’enthousiasme réapparait dans une belle journée de régates
festive et colorée… et l’on reparle des Fondateurs, véritable manifestation fétiche de la Basse Seine. Effectivement, la 51ème journée des Fondateurs a lieu le 14 avril 1973
rassemblant des amis de toute la France, de Suisse et de Belgique.
Le rayonnement de la SNBS ne faiblit pas : lors de la traversée de Paris organisée, sous forme de tête de rivière le 1er mai 1975, un match Oxford-Cambridge a lieu qui se termine dans
les salons de la Basse-Seine en présence de nombreux invités dont Grace de Monaco, fille et soeur de grands rameurs américains.
Après la disparition de Charles Haussaire en 1976, l’encadrement se renouvelle et début 1979 c’est le président Raymond Drouet qui se retire après 30 années passées à al tête de la
Basse Seine où il a vécu des heures fastes et heures difficiles avec tant d’implication personnelle.
Une nouvelle page est tournée et Jean Séphériadès est élu à l’unanimité à la présidence de cette société qu’il connait depuis 35 ans. Il appelle Christian Puibaraud à la direction
sportive, s’appuie sur les anciens Georges Desrues et Robert Farquet et reçoit les conseils éclairés de Raymond Drouet, Président d’honneur.
Et c’est l’amorce d’une remontée avec le recrutement de nombreux cadets et juniors qui bientôt glanent les succès. Cependant, pas de titres aux championnats de France. Toutefois, en
1981, à la veille du centenaire, un deux de couple senior poids léger décroche la médaille d’argent avec Fage, aujourd’hui constructeur de bateaux dans les locaux de la Basse Seine et
Tassy, célèbre pour ses chaussettes noires.
La période “sans titre” perdure, des médailles d’argent ou de bronze sont glanées apportant des joies teintées de regrets pour les riches moissons de jadis.
L’année 1992, 110ème anniversaire, marque toutefois un virage : Hervé Dagommer accède à la présidence de la SNBS. Il réalise une ultime tentative pour relancer la journée des
fondateurs et ses efforts sont vains : seuls trois clubs répondent à l’invitation, les Fondateurs sont annulés !
Evolution irrésistible du calendrier, reste-t-il une place pour des régates de “beaux quartiers” qui ont connu des années de gloire ?
Malgré ces déconvenues, les dirigeants de la Basse-Seine ne baissent pas les bras, ce n’est pas le style de la maison, et le travail soutenu produit ses fruits. Des profondeurs du
classement la Basse-Seine fait une remontée spectaculaire jusqu’à la 19ème place en 1995 avec quatre titres, ces titres si convoités, à la clef, tous emportés en catégorie senior
sprint.
Deux titres en 1994 : deux de couple senior dames et quatre de couple senior hommes. Signe des temps : les rameuses apportent une solide contribution aux résultats de la Société ; “O
tempora ! O mores !” disait Cicéron s’extasiant devant les galères.
Il est toujours difficile de faire une mutation et celle-ci s’effectue dans le grand club de Courbevoie, où tout repart sur de nouvelles bases : de nouveaux bateaux et même à la
municipalité de Courbevoie un nouveau maire, Jacques Kossowski, convaincu des vertus de l’aviron, ayant succédé en 1995 au très fidèle Charles Deprez, ami des heures glorieuses ou
difficiles et toujours présent aujourd’hui aux côtés des dirigeants de la Basse-Seine. Cette remise à plat a permis de dégager de nombreux points positifs pour l’avenir de la
Basse-Seine et quelques handicaps, dont la confrontation a permis de dégager des objectifs pour les années qui viennent.
– Continuer la sensibilisation des anciens à la formation des jeunes et au maintien d’une atmosphère chaleureuse.
– Accroitre l’accueil des universitaires
– Préparer pour les années à venir, l’obsession de la Basse-Seine, un huit qui puisse reconquérir le titre emporté tant de fois.
Comment ne pas évoquer le phénix, cet oiseau fabuleux aux ailes rouges et dorées, doué d’immortalité qui renaissait de ses cendres ? Aujourd’hui n’y aurait-il pas, perché en bord de
Seine, un phénix aux ailes bleues et dorées qui, après une longue léthargie, redéploierait ses ailes pour un nouvel envol ?
Texte de Gabriel Tissier paru dans la revue l’Aviron de mai 1996